Dans les années 1990 on retrouva à Paris dans les archives militaires du Château de Vincennes un paquet de trente photographies du Fort de Vinadio, reportant la date mise en archives : 3 juin 1914. Si au début ces images pouvaient sembler un simple recueil photographique réalisé par l’espionnage français, une observation plus attentive de l’uniforme d’un officier du Regio Esercito qui apparait sur certaines photos les fait remonter à la fin du XIX ème siècle. Ce sont certainement des photographies d’origine italienne, avec des sujets non casuels, mais sélectionnés dans le but précis d’effectuer une reconnaissance de la fortification dans sa totalité ( ou globalité).

Mais il y a encore autre chose. Sur certaines photographies on peut observer des ratures faites à l’encre de chine pour masquer des sigles tout comme fut effacé le visage de l’officier photographié plusieurs fois.

On peut présumer que cette intervention n’ait pas été faite par un français, il n’y avait aucun intérêt à masquer du matériel déjà secret par nature. Qui pouvait s’inquiéter d’être reconnu si ce n’est la personne qui avait transmis le matériel aux français : le photographe lui-même? Quelqu’un qui était lié à lui?

Un véritable mystère. Avoir trouvé ces photographies a en tous cas permis de découvrir que le Fort de Vinadio, malgré son inutilisation en temps de guerre, fut tout de même armé avec des pièces d’artillerie de différent calibre, contrairement à ce que l’on pensait auparavant vu qu’aucune pièce belliqueuse n’a jamais été retrouvé à l’intérieur.

La seule utilisation de la forteresse vérifiée fut celle de prison pour plusieurs centaines de garibaldiens faits prisonniers dans la dénommée Bataille de l’ Aspromonte.

L’historien de Cuneo Maurizio Ristorto écrit à ce propos: “ En 1862 passent dans le village sous escorte militaire, les garibaldiens d’Aspromonte, où le 2 aout fut enrayée la marche sur Rome lancée par Garibaldi et par quelques milliers de ses partisans; le Regio Governo la juge pour le moment inopportune et provocatrice de graves complications.

Les Garibaldiens sont arrêtés et pour un millier d’entre eux le Fort de Vinadio est désigné comme lieu de prison. Provenant de Gênes avec l’escorte d’un bataillon de la 67° Infanterie aux ordres du capitaine d’Etat major Giuria, ils arrivent à Cuneo le matin du 18 septembre, bien que le ministre ait donné l’ordre qu’il soit muni de tout le nécessaire pour le voyage, la grande majorité des prisonniers se trouvent en mauvaises conditions, des habits presque en lambeaux et des chaussures défoncées, beaucoup sans chapeau ou couvert d’un misérable chiffon ; il pleut à verse et on doit accomplir le chemin à pied de Cuneo à Vinadio.

Les gens font preuve de sympathie: à Borgo San Dalmazzo on fait une collecte pour l’achat de cigares qui sont acceptés de bon gré et on loue des carrosses pour le transport au moins jusqu’ à Demonte pour ceux qui avaient le plus de difficultés à continuer à pied, mais le capitaine Giuria, interprétant avec grande rigueur l’ordre reçu d’un traitement égal pour tous récuse l’offre”.

Les Garibaldiens restèrent prisonniers pendant 24 jours dans le Fort de Vinadio, très probablement dans la partie basse de la forteresse, plus proche du fleuve Stura. Ces derniers (et Garibaldi lui-même) furent amnistiés à la première occasion possible: le mariage de Maria Pia di Savoia, fille de Vittorio Emanuele II avec le roi du Portugal le 5 octobre 1862. Ils furent ensuite libérés par petits groupes jusqu’au 7 novembre, hormis les plus “dangereux” qui furent accompagnés chez eux sous escorte.

Au cours de la première guerre mondiale, le Fort de Vinadio, avec toutes les œuvres des Alpes occidentales, fut désarmé et les artilleries envoyées à renflouer le maigre parc d’armement sur le front autrichien. Durant le conflit le Fort fut destiné à camp de prisonnier pour les prisonniers autrichiens, et ensuite après la guerre il fut utilisé comme caserne et dépôt d’artillerie.

L’histoire du Fort de Vinadio s’est conclue le 25 avril 1945, quand les troupes allemandes en retraite minèrent le Fort en plusieurs points. L’engagement de la population et des causes fortuites réussirent à en empêcher la dévastation à l’exception de la poudrière centrale qui fut réduite à un tas de décombres.

Dans les années qui suivirent, les décombres furent utilisés pour contenir sur plusieurs points le fleuve Stura, une opération rendue possible grâce à l’intervention des habitants de Vinadio. Plusieurs photographies qui représentent les habitants de Vinadio en train de trainer avec de robustes cordes les rochers du Fort jusqu’au fleuve témoignent cet immense travail.